lundi 17 novembre 2008

Le Festival du Film Court de Brest

Nous revenons tout juste d’un séjour de 3 jours au Festival Européen du Film Court de Brest. Et que dire… Nous avons été extrêmement emballés devant la TRES haute tenue générale de la sélection : une foule de courts ou moyens, venus de l’Europe entière, franchement bien écrits, joués et réalisés.



Découverte de l’homosexualité, suicides adolescents, viol, travail clandestin, immigration... : des thèmes forts qui ne sont généralement pas évidents à aborder en courts-métrages.

Ils ont pourtant été traités avec justesse par de jeunes réalisateurs et de manière frontale. On remarque surtout une grande maîtrise scénaristique, tant au niveau de la structure que de la caractérisation des personnages, alliée à une réalisation soignée. D’ailleurs, de nombreuses personnes présentes ont souligné la qualité de la sélection.

Nath et moi avons accompagnés Caroline Fournier qui présentait son court Une si petite distance en compétition. Le film n’a pas obtenu de prix mais le simple fait d’avoir été sélectionné est déjà très flatteur (41 films dans la compétition officielle pour 1600 envois).

C’est la première fois que nous nous rendons à un festival de ce niveau et nous avons trouvé l’ambiance particulièrement bonne. Le festival en lui-même est très bien préparé : brochure épaisse et très complète, beaucoup de bénévoles pour l’accueil (chaleureux), des animations pour mettre l’ambiance, une cérémonie pas prise de tête, des buffets très sympas (miam) etc…

Les films de la sélection ne sont pas visibles sur le net, nous allons donc essayer de vous faire partager notre enthousiasme.

Tony Zoreil de Valentin Potier – 20 min – France
Prix de la meilleure collaboration : réalisateur / directeur photo

Synopsis : Tony, a hérité d'une particularité physique hors du commun. Il a très grandes oreilles et souffre d'une sensibilité extrême au moindre bruit. Il accumule les échecs avec les femmes à tel point que vie est devenue un véritable calvaire...
Un film à la frontière du fantastique / merveilleux mais avec une french touch (on pourrait presque rapprocher son ambiance et l’univers de Gondry) qui fait toute la particularité de ce film très bien écrit. Le casting est très bon et les comédiens sont tous justes (ce qui n’est peut être pas facile avec un pitch pareil).
Réalisé par Valentin Potier, un ancien de l’ESRA, Tony Zoreil est vraiment mignon et contient en plus de belles idées de mise en scène technique. Le film est soigné et a obtenu, à juste titre, un prix pour la photo. A noter, aussi, une amusante utilisation du son qui amène la plupart des gags mais aussi fait avancer la narration.
Sorte d’hymne à la différence, le court est un peu difficile à résumer car très foisonnant (le film regorge de personnages secondaires et de petites scènes). Nous espérons que vous aurez l’occasion de le voir en festival ou lors d’une diffusion télé ou internet.

Falstart (Faux départ) de Igor Devold Leiv – 28 min – Pologne

Synopsis : Witek sort de prison et quitte la Pologne pour la Norvège à la recherche de sa compagne et de sa fille pour tenter de rétablir les liens.
Un film polonais qui se déroule en réalité en Norvège qui nous a immédiatement séduit. Le traitement du personnage principal, Witek, qui sort tout juste de prison et tente de renouer avec son ex-compagne avec qui il a eu une fille, est assez fin. La jeune femme se situe à mi-chemin entre l’envie de ne pas le revoir et le souvenir de leur amour. Pour sa fille, Witek est juste un étranger. On suit la solitude de ce pauvre gars sans que l’ennui ne prenne le dessus. Le jeu, tout en nuances, ainsi que la musique lancinante et l’image brute et maitrisée y sont pour beaucoup.
Le pic émotionnel est atteint lorsque Witek se met à pleurer devant son ancienne compagne, visiblement fermée, en lui annonçant qu’il venait de rénover entièrement leur ancien appartement en Pologne, en vue de les accueillir tous les deux et poursuivre leurs vie ensemble. Ils finissent par s’embrasser et coucher ensemble… Nous garderons pour nous le final pour ceux qui auraient la chance d’assister à une projection de ce joli film.
une b.a. (qualité médiocre) :

Böse Bilder (Images cruelles) de Stefan Schaller – Allemagne – 30 min

Synopsis : Jonas, un garçon un peu marginal, vit seul avec sa mère. Il n’a pas d’autre ami que son camarade de classe, Lukas. A l’école, Jonas se sent exclu. Il est persécuté par Christian, le meneur de la classe. Après s’être blessé lors d’un accident de sport, Christian se trouve soudain dans une position de faiblesse dont Jonas et Lukas vont profiter : les deux amis se mettent à leur tour à persécuter le jeune homme.
Un film coup de poing, proche de l’univers des films les plus récents de Gus Van Sant (mais on pense aussi à celui, plus froid et analytique, d’Haneke). Il s’agit d’une histoire, franchement glaçante, d’adolescents pris dans une spirale qui les conduit vers la violence et l’humiliation. Le réalisateur porte un regard dénué de manichéisme sur la fascination des ados pour les images extrêmes véhiculées sur internet et les téléphones portables ainsi que sur l’apathie qui semble toucher une partie de cette génération.
Le court a été diffusé sur Arte, il y a deux semaines.

En Forelskelse (Eveil) de Christian Tafdrup – Danemark – 38 min
Prix des Passeurs de Court & Prix du Moyen-métrage

Synopsis : Carsten a tout juste seize ans et commence une relation avec Mélissa. Celle-ci le présente à ses parents qui l’accueillent chaleureusement. Un week-end, ils partent tous les quatre à la campagne. C’est là que Carsten et le père de Melissa découvrent qu’ils ont plus de choses en commun qu’ils ne pouvaient l’imaginer.
Peut-être notre préféré de tous ceux que l’on a pu voir au festival. Il s’agit du 3e film de Tafdrup, par ailleurs acteur ayant travaillé avec Lars Von Trier. Un moyen métrage sensible, vraiment très bien joué et surtout aux émotions justes. Le jeune Carsten se rend compte qu’il est furieusement attiré par le père de sa petite amie… qui n’est pas indifférent lui non plus. Le sujet pourrait prêter à rire mais il n’en est rien au contraire, il est même bouleversant. Il faut voir le père ronger son frein pour ne pas faire voler en éclats la cellule familiale ou encore le jeune Carsten être totalement désemparé devant la découverte de son attirance. Le film est rempli de scène de tensions fondées sur la dissimulation de la véritable nature des protagonistes principaux et tout cela sonne extrêmement juste.

Séance familiale de Cheng-Chui Kuo - France 28 min
Grand Prix du Film Court de la Ville de Brest


Synopsis : Une équipe de télévision française s'invite dans une famille taiwanaise vivant à Taipei dans le cadre d'une émission de "Télé-réalité". Petit à petit, la caméra devient un nouvel outil de communication au sein de la famille.
Le grand vainqueur du festival. Un film au sujet très original et particulièrement adroit dans sa mise en scène, son écriture et sa direction d’acteur. Sans révéler la fin, même s’il y a un détail à la fin qui nous a quelque peu dérangé (un peu trop mélo à notre goût), le film mérite son prix, ne serait-ce que pour la précision de la mise en scène. Nous avons longuement discuté avec Cheng-Chui Kuo, le réalisateur et nous nous sommes rendu compte que chaque chose présente dans le film est à sa place, de l’humour du début pour nous embarquer dans cette histoire, à l’utilisation des repas pour montrer le temps qui passe, en passant par la caractérisation des personnages, très pertinentes et le dévoilement progressif de l’intrigue.
Cheng-Chui nous est apparu comme un sympathique jeune homme humble et travailleur et voir son film attribué du grand prix nous a procurer beaucoup de joie.
Le film, qui a aussi reçu le Prix Spécial Critique Panavision-Alga à Montpellier 2008, sera diffusé en novembre sur arte : le 19 à 00h45, le 21 à 04h30, le 26 à 04h25 et le 5 décembre à 11h25.

Smáfuglar (Deux oiseaux) de Rúnar Rúnarsson – Islande – 15 min
Prix du Jury Jeune & Prix Européen France 2

Synopsis : Une nuit lumineuse d’été, un groupe de jeunes va passer de l'innocence au monde adulte. Le personnage principal est un garçon timide épris d’une jeune fille de son âge.
Une bête de festival. C’est seulement Nathalie qui a vu ce court à l’histoire très forte où un jeune adolescent est amoureux d’une jeune fille de son âge qui va se faire violer un soir de fête (elle est droguée donc inconsciente). Au petit matin, le jeune homme se déshabille et se met à côté d’elle pour lui faire croire qu’ils ont passé la nuit ensemble. La mise en scène est vraiment très belle et il en résulte une ambiance envoûtante (proche de celle de Virgin Suicide) qui vous reste longtemps à l’esprit : un mélange de tristesse, de gravité et de poésie, sans jamais tomber dans la lourdeur.

A noter aussi d’autres courts, en compétitions ou en off, qui nous ont séduit (les très drôles I am Bob de Donald Rice et Istället för abrakadabra (A la place d’Abracadabra) de Patrik Eklund mais aussi Frankie de Darren Thornton, les glaçants Wish de Matt Day et Clandestinas de Silvia Chiogna, le mignon C’est dimanche de Samir Guesmi …).
Devant tant de qualités, il nous paraît évident qu’il va falloir se retrousser sérieusement les manches pour nos prochains projets…

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